Le temps du Grand Carême dans l’Eglise Arménienne

Publié le par Hacik Bardizban

Le temps du Grand Carême dans l’Eglise Arménienne

Le temps du Grand Carême dans l’Eglise Arménienne

Le Carême est la parure de ceux qui aiment Dieu. Ce temps de grâce nous rapproche de Lui.

Dieu donna le commandement du jeûne au premier homme au Paradis lorsqu’Il dit : «Tu peux manger de tous les fruits des arbres du Paradis, mais ne mangez pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal.» (Gén .2,16). Et tant que l’homme garda ce commandement, il demeura l’égal des anges ; cependant, lorsque, trompées par Satan, les premières créatures mangèrent du fruit de l’arbre défendu, elles furent chassées du Paradis et placées sous la domination de la malédiction et de la mort.

Il est raconté dans l’Evangile comment, avant de commencer Sa prédication, le Christ s’isola quarante jours dans le désert, priant et jeunant. « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu » (Mt 4 ,4) . Et à l’exemple du Christ, l’Eglise établit le Jeûne de Quarante jours, ou Grand Jeûne.

Les jours de jeûne recouvrent la moitié de l’année liturgique de l’Eglise Arménienne. Ces jours-là, nous renonçons aux aliments d’origine animale et ne nourrissons notre corps que d’aliments végétaux. Cependant, il ne s’agit pas seulement d’un jeûne alimentaire, puisque nous devons nous abstenir des jouissances et des plaisirs, et nous consacrer à la méditation, à l’examen de conscience, aux œuvres de miséricorde, à la repentance et à la pénitence, pour nous délivrer du péché et purifier nos âmes, afin d’approfondir notre foi et de revaloriser notre vie par le Christ.

Le jeûne et l’abstinence sont d’abord un état spirituel, une disposition intérieure qui ne doit pas être vécue au vu des hommes, mais devant Dieu seul, dans le secret du cœur, et pour Sa gloire. Le but du jeûne est d’exercer notre corps à la sobriété, afin d’enrichir notre vie spirituelle. Si quelqu’un l’entreprend dans le but personnel de la recherche orgueilleuse des éloges et manifeste ainsi son hypocrisie, ou s’il désire seulement suivre un régime amaigrissant, son jeûne ne sera pas agréé par Dieu car il n’est pas animé par le désir sincère de faire pénitence.

Les Pères disent que le jeûne corporel est beau si l’âme se garde des péchés. Quelle utilité y-a-t-il à mortifier le corps si l’on engraisse l’âme de péchés mortels? L’homme est âme et corps et, comme la nourriture est agréable au corps, ainsi le jeûne l’est à l’âme. Le jeûne est un moyen de nourrir l’âme : les hymnes, les cantiques, les chants religieux, les lectures des Evangiles, les prières, voilà tout ce dont se nourrit l’âme du croyant pendant le carême.

Les dimanches du Grand Carême dans l’Eglise Arménienne:

Le Grand Carême comprend six dimanches, qui sont liés à six thèmes bibliques. Cette disposition a été constituée par Jacques le Juste, appelé le Frère du Seigneur, l’un des soixante-douze disciples du Christ et premier évêque de Jérusalem, au premier siècle, puis par le Patriarche Cyrille de Jérusalem, au quatrième siècle.

Ces dimanches sont appelés : La Vie Bienheureuse, L’Expulsion, L’Enfant Prodigue, L’Econome, Le Juge, La Venue et forment ensemble une «chaine d’or».

La Vie Bienheureuse:

«Vie Bienheureuse» évoque couramment la joie et les réjouissances qui accompagnent ce dimanche ; tandis que sa signification spirituelle nous rappelle la vie heureuse au Paradis, la vraie félicité que connaissaient Adam et Eve avant l’expulsion du Paradis en conséquence du péché.

Jusqu’au péché, l’homme avait un corps immortel. Sa sensibilité était incomparablement plus fine et son pouvoir d’action, plus large et libre. L’âme et le corps du premier homme étaient si finement entrelacés que celui-ci, doté de telles grâces divines, pouvait communiquer sans obstacle non seulement avec les anges et les représentants des forces célestes, mais avec Dieu Lui-même. La vie en Dieu du premier homme était la félicité, car la présence de Dieu au cœur de son existence était la vie, était sa vie tout entièrement bonne. Rien ne pouvait l’attrister ; au contraire, sa vie n’était qu’un bonheur inépuisable. Et tout cela était assuré à l’homme par la présence immédiate de Dieu.

Quand il méprisa la joie qui était la sienne et suivit le conseil de Satan, le Tentateur, non seulement l’homme n’obtint rien de plus, mais il perdit même ce qu’il avait ; et cette perte fut sa chute. Il subit des transformations dans son âme et son corps : il se trouva privé de la finesse de son sens spirituel, grâce à laquelle il avait eu part à la joie céleste éternelle ; et il commença de vivre une vie charnelle et corporelle.

La chute entraina dans les faits la mort de l’homme puisqu’elle lui fit perdre sa vie bienheureuse en Dieu qu’il avait connue au Paradis.

Ainsi, la Vie Bienheureuse dont on se souvient et que l’on fête ce premier dimanche du Grand Carême est celle dont Adam et Eve jouissaient au Paradis. Nous sommes incapables naturellement de l’évoquer comme elle fut vécue par nos premiers ancêtres, car seuls les saints de Dieu peuvent ressentir cette félicité paradisiaque qu’avaient savourée les deux créatures créées de la main de Dieu.

L’homme pécheur, selon son état déchu, ne peut manifester sa joie de façon uniquement spirituelle, et mêle au spirituel le temporel, le corps et la matière ; il joint souvent à sa joie spirituelle l’abondance des plaisirs de la table, avec des excès que désire réguler l’Eglise en conseillant la modération.

Quelquefois, en prévision du jeûne prolongé du Grand Carême, ses débordements, qui le conduisent le jour de la Vie Bienheureuse à une consommation effrénée de nourritures riches et variées, n’auront pour lui aucune conséquence positive.

« Mon fils, si tu trouves du miel, manges-en avec mesure

De peur que tu ne te gaves et que tu ne vomisses. » (Pr 25 ,16)

Salomon le Sage parle de miel, mais nous devons étendre le sens de ses paroles ; et, considérant qu’en toutes choses la modération est louable et l’abus, condamnable, nous nous efforcerons de choisir, entre les extrêmes, la voie moyenne de la tempérance.

Le dimanche de l’Expulsion:

Il symbolise l’expulsion d’Adam du Paradis ; Adam et Eve ne demeurèrent pas longtemps dans la félicité du Paradis, mais devenus mortels à cause des péchés commis, ils en furent expulsés à cause de leur désobéissance et furent condamnés à se procurer leur pain quotidien au prix d’un dur labeur. Cependant, par l’incarnation du Second Adam, Jésus-Christ, le chemin du Paradis s’est rouvert pour les hommes qui, par le repentir, la pénitence et une conduite vertueuse peuvent redevenir dignes d’en connaitre la félicité.

Le dimanche du Fils Prodigue:

La lecture de l’Evangile de ce dimanche est la parabole du Fils Prodigue (Luc 18,1-8), qui donne à l’humanité la plus grande leçon de morale : dans sa vie, la créature commet des péchés, volontairement et involontairement ; pourtant, heureuse est celle qui a le courage, comme le fils prodigue, de le regretter et d’en demander pardon à Dieu, en reconnaissant : « Père, j’ai péché envers le ciel et contre Toi » (Luc 15,21). Le Père est prêt à pardonner à celui qui se repent et le rend digne à nouveau de la gloire et de l’honneur dont il jouissait auparavant comme fils dans la demeure paternelle. Cette parabole explique clairement que nous pouvons être consolés par l’amour paternel et compatissant de Dieu et être reçus dans Son royaume, si nous revenons vers Lui par la pénitence.

L’Eglise appelle au repentir tous ses fils qui mènent une vie déréglée, pour qu’ils se convertissent, et, abandonnant leur conduite pécheresse, pour qu’ils vivent d’une vie digne d’un chrétien.

Le dimanche de l’Econome:

La parabole lue ce dimanche raconte comment un homme riche fait l’éloge de son gérant malhonnête qui réussit à regagner la confiance de son maitre grâce à son habileté (Luc 16, 1-8). Dieu nous a placés comme les gérants du monde et nous devons être conscients que nous aurons à Lui rendre des comptes sur la façon dont nous aurons dirigé notre vie dans ce monde et sur la qualité de la gérance qui nous a été confiée.

Après le dimanche de l’Econome, s’ouvre le vingt-quatrième jour du Grand Carême, appelé la mi-carême, qui indique que vient de s’achever la première moitié du Grand Carême.

Le dimanche du Juge Inique:

Le thème de ce dimanche provient de l’Evangile (Luc 18, 1-8). L’homme se présente souvent dans la vie dans le rôle du juge sans justice, mais il lui arrive aussi, au contraire, d’être placé dans la situation de la pauvre veuve. Jésus nous montre clairement que nous devons ressembler à la veuve qui adressa sans se lasser ses prières à Dieu, et présenta sans relâche sa cause dans l’espérance confiante qu’il lui serait un jour possible de retrouver son bien perdu et de rentrer dans son droit bafoué.

Le dimanche de la Venue:

Ce dimanche conclut la chaine d’or du Grand Carême. Avec lui, l’Eglise chrétienne invite ses fidèles à comprendre le mystère de la seconde venue du Christ. Par sa première venue, le Christ a brisé les liens de l’enfer et a ouvert les portes du paradis. Et par sa seconde venue, il jugera les pécheurs et donnera aux justes le royaume des cieux.

La période du Grand Carême donne aux croyants l’occasion de méditer le mystère de la Rédemption. Il nous est indispensable d’être conscients de la valeur de ce don. Le Grand Carême est un voyage spirituel particulier qui nous conduit chaque année jusqu’à la Sainte Pâque et nous permet de fêter dignement la Résurrection glorieuse de notre Seigneur Jésus-Christ.

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